Dans son cinquième livre, Sauval expose la manière de recevoir, parmi les voleurs, sous Louis XIII, un maître coupeur de bourses. Pour devenir maître coupeur de bourse, il faut, entre autres choses, faire deux chefs-d'œuvre, en présence des frères.
Le jour pris pour la première épreuve, on attache aux solives d'une chambre une corde à laquelle pend un mannequin chargé de grelots et portant une bourse. Celui qui veut être passé maître, doit mettre le pied droit sur une assiette, tenir le pied gauche en l'air, et couper la bourse sans balancer le corps, sans que le mannequin fasse le moindre mouvement, et sans faire sonner les grelots. S'il manque à la moindre de ces choses, s'il ne déploie pas toute l'adresse qu'on exige, on ne le reçoit point et on l'assomme de coups. On continue de le bien étriller les jours suivants, afin de l'endurcir et de le rendre en quelque sorte insensible aux mauvais traitements. C'est ce qui faisait dire au comédien Hauteroche qu'il fallait montrer de la vertu et du courage pour être reçu fripon.
Quand l'aspirant au noble métier de coupeur de bourses réussit dans sa première épreuve, on exige qu'il fasse un second tour d'adresse plus périlleux que le premier. Ses compagnons le conduisent dans un lieu public, comme la place Royale, ou quelque église. S'ils y voient une dévote à genoux devant la Vierge, avec sa bourse au côté, ou un promeneur facile à voler, ils lui ordonnent de faire ce vol en leur présence, et à vue de tout le monde. A peine est-il parti, qu'il disent aux passants, en le montrant du doigt : « Voilà un coupeur de bourses qui va voler cette personne. » A cet avis, chacun s'arrête pour l'examiner ; et aussitôt qu'il a fait le vol, ses compagnons se joignent aux passants, le prennent, l'injurient, le frappent, l'assomment, sans qu'il ose, ni déclarer ses compagnons, ni laisser voir qu'il les connaît.
Cependant le bruit qui se fait amasse beaucoup de monde, les fripons pressent, fouillent, vident les poches, coupent les bourses, finissent par tirer subtilement leur nouveau camarade des mains de la foule, et se sauvent avec lui et leurs vols, pendant que chacun se plaint qu'il est volé, sans savoir à qui s'en prendre. Après cette expérience, on enrôle le candidat dans une compagnie, et on lui donne la patente de maître coupeur de bourses.
Anecdote trouver sur le site de la France pittoresque.
des larrons », paru en 1629 - traduction du vieux français)
Cet instrument était une sorte de petite boule, qui, par de certains ressorts intérieurs, venait à s'ouvrir et à s'élargir, en sorte qu'il n'y avait moyen de la refermer ni de la remettre en son premier état qu'à l'aide d'une clef, faite expressément pour ce sujet.
Le premier qui éprouva cette maudite et abominable invention, ce fut un gros bourgeois riche et opulent des environs de la place Royale, nommé Eridas. Un jour où il était seul en sa maison avec son homme de chambre et son laquais, Palioli vint frapper à sa porte, accompagné de trois autres vauriens comme lui. Le laquais, croyant que ce fussent quelques gentilshommes, alla avertir son maître, qui était encore dans le lit, et les fit entrer dans la salle ; comme ils restèrent là quelque temps, ils se conseillèrent par ensemble ce qu'ils devaient pratiquer en ceci.
Les uns voulaient tuer le bourgeois, les autres non. Sur cette contestation Eridas arrive et leur demande ce qui leur plaisait ; Palioli le prend par la main, et le tire à quartier avec ces mots enflés de blasphème et jurement étranges : « Monsieur, il faut nécessairement que je vous tue, ou que vous nous donniez ce que nous vous demandons : nous sommes pauvres soldats, qui sont contraints de vivre de cette façon, puisque maintenant nous n'avons autre exercice. » Le bourgeois surpris pensa crier au voleur ; mais à l'instant les trois autres accoururent, et l'empoignant lui firent ouvrir la bouche et lui mirent leur poire d'angoisse dedans, qui en même temps s'ouvrit et se délâcha, faisant devenir le pauvre homme comme une statue béante et ouvrant la bouche sans pouvoir crier ni parler que par les yeux. |
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Ce fut alors que Palioli prit les clefs de sa pochette et ouvrit un cabinet où il prit deux sacs de pistoles ; ce qu'ayant fait à la vue même du bourgeois, Dieu sait quelle angoisse Eridas eut, et quelle tristesse de voir ainsi emporter son bien sans pouvoir sonner mot, outre que l'instrument lui causait une grandissime douleur ; car plus il tâchait à le retirer et l'ôter de sa bouche, plus il l'élargissait et l'ouvrait, en sorte qu'il n'avait à faire autre chose que prier de signes lesdits voleurs de lui ôter ce qu'il avait en la bouche ; mais, lui ayant rendu les clefs de son cabinet, ils s'en allèrent avec son argent.
Eridas, les voyant dehors, commença à aller quérir ses voisins, et leur montra par gestes qu'on l'avait volé ; il fit venir des serruriers qui tâchèrent à limer ladite poire d'angoisse, mais plus ils limaient et plus elle lui faisait de tourments ; car même en dehors il y avait des pointes qui lui entraient dans la chair. Il demeura dans cet état jusqu'au lendemain.
Or comme la cruauté ne loge pas toujours dans un esprit, un des quatre voleurs persuada ses compagnons qu'il ne fallait pas être cause de la mort d'Eridas. Ce dernier reçut la bienheureuse clef et une lettre ainsi conçue :
Monsieur, je ne vous ai point voulu maltraiter, ni être cause de votre mort. Voici la clef de l'instrument qui est dans votre bouche, elle vous délivrera de ce mauvais fruit. Je sais bien que cela vous aura donné un peu de peine, je ne laisse pas pourtant d'être votre serviteur. |
Voilà l'invention abominable de poire d'angoisse qui depuis fut plusieurs fois mise en oeuvre par les coupeurs de bourses qui s'en servaient pour attraper par ce moyen les marchands, et pour leur faire confesser où ils mettaient leur argent.
Il paraît qu'en Bretagne on croit que cela porte bonheur d'entendre chanter les coucous. Deux frères travaillaient dans un champ. Un coucou chante ; l'un des deux frères dit à l'autre :
- Je l'ai entendu chanter le premier ; c'est pour moi qu'il a chanté. Je vais tout de suite acheter la maison de mon voisin dont j'ai envie depuis longtemps.
- Non, dit l'autre ; c'est pour moi. Je vais aller vendre ma jument au marché ; je suis sûr que j'en tirerai un grand prix.
- Mais non, c'est pour moi. Allons tous deux trouver le juge.
Ils vont trouver le juge, et lui disent :
- Vous avez beaucoup d'expérience ; vous allez nous tirer d'incertitude. Mon frère dit que c'est pour lui que le coucou a chanté, et moi je dis que c'est pour moi.
Le juge, après avoir beaucoup réfléchi, leur dit :
- Mettez d'abord là chacun un petit écu.
Puis, quand tous deux eurent déposé leur obole, il mit le tout dans sa poche, et leur répondit :
- Vous voyez bien que c'est pour moi que le coucou a chanté.
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